Le Christ aux abandons
- francoisevannier
- 5 nov.
- 2 min de lecture
« Or, un matin, des enfants qui conduisaient une barque virent une figure couchée sur la mer. C’était celle de Jésus-Christ, en grandeur d’homme, sculptée dans du bois dur et peinte au naturel et qui semblait un ouvrage ancien. Le Bon Dieu flottait sur l’eau, les bras étendus. Les enfants le tirèrent à bord et le rapportèrent à Saint-Valery. Il avait le front ceint de la couronne d’épines ; ses pieds et ses mains étaient percés. Mais les clous manquaient ainsi que la croix. Les bras encore ouverts pour s’offrir et bénir, il apparaissait tel que l’avaient vu Joseph d’Arimathie et les saintes femmes au moment de l’ensevelir. »

C’est à ce texte d’Anatole France que j’ai immédiatement pensé lorsque j’ai appris que notre Christ mutilé avait été repêché de la déchetterie de La Bâthie. Sauf que notre Bon Dieu à nous n’était pas glorifié par la portance et la noblesse de l’eau : l’eau de la Création du Monde, l’eau de la Mer Rouge, l’eau du Jourdain, l’eau du baptême, l’eau jaillissant du côté transpercé. Non : nous, nous ne pouvions pas voir le Christ avec ses bras encore ouverts, ni ses pieds, ni ses mains trouées : il a été dépouillé de tout ! Tout, sauf la beauté inouïe d’un visage endormi dans la paix et la confiance. Quel grand sculpteur anonyme, il y a 500 ans, a pu irradier cette lumière sur le visage de son Christ ? Une lumière qui chasse tous les sentiments négatifs suscités face à cette ignominie d’un Christ jeté dans l’enfer d’une benne à ordures. L’indignation, la colère, la révolte : non, c’est la tendresse qui l’emporte sur toutes les autres émotions. Tendresse d’un visage épargné par le mépris pour ses profanateurs, comme il le fut, au soir du Golgotha, pour ses persécuteurs. Tendresse de Dieu pour tous les Hommes, malgré l’énormité de leurs fautes. Une tendresse que les Hommes doivent désormais se transmettre de génération en génération, comme nous l’a si poétiquement écrit ce moine allemand, anonyme, du XIIème siècle :
Christ n’a pas de mains Il n’a que nos mains pour construire
Le monde d’aujourd’hui.
Christ n’a pas de pieds
Il n’a que nos pieds pour conduire
Les hommes sur son chemin.
Christ n’a pas de voix
Il n’a que nos voix pour parler
De lui aux hommes.
Nous sommes la seule Bible que les hommes lisent encore. Nous sommes la dernière parole de Dieu. L’Évangile qui s’écrit aujourd’hui. Ainsi, chaque fois que notre regard tombera sur ce Christ en entrant dans notre église de Tours, nous nous souviendrons peut-être que nous sommes les membres et la voix perdus par ce Christ endormi, et que nos bras, nos pieds, et nos paroles sont les indices et les témoignages de sa Résurrection.

Le dimanche 26 octobre au cours de la messe dominicale à Tours, bénédiction de la statue du Christ aux abandons récemment installé dans l’église












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